Le gynécologue rwandais Sosthène Munyemana a été condamné à 24 ans de réclusion criminelle par la Cour d’Assises de Paris pour génocide. Cette condamnation marque l’aboutissement d’un long parcours judiciaire entamé il y a près de trente ans.
Une trahison du serment médical
Médecin de formation, Sosthène Munyemana a gravement manqué à sa déontologie, notamment au serment d’Hippocrate, qui engage les praticiens à soigner toute personne sans discrimination. Dans les localités de Tumba et Cyarwa, situées dans l’ancienne préfecture de Butare, il appartenait à un cercle restreint d’individus ayant planifié, organisé et dirigé le génocide contre les Tutsis.
Malgré la gravité des faits, la Cour n’a pas sollicité de sanction disciplinaire de la part de l’Ordre des Médecins de France. Cette absence de recommandation s’expliquerait par le fait que le Dr Sosthène Munyemana est aujourd’hui retraité, après avoir exercé comme urgentiste à l’hôpital de Villeneuve-sur-Lot, en région Nouvelle-Aquitaine.
Un parcours judiciaire complexe
L’affaire remonte à 1995, année où une première plainte avait été déposée contre lui, peu après son arrivée en France. En 2008, le Rwanda avait émis un mandat d’arrêt international, mais la Cour d’Appel de Bordeaux avait refusé son extradition. Ce n’est qu’en 2011 que le Dr Sosthène Munyemana avait été mis en examen par la justice française.
Bien avant cette condamnation, la juridiction populaire de Gacaca à Ngoma (Butare-Ville) l’avait reconnu coupable, en appel le 22 janvier 2010, de participation aux massacres de femmes et d’enfants au Centre Hospitalier Universitaire de Butare, en collaboration avec des complices issus du milieu médical, ainsi que des massacres perpétrés dans son fief de Tumba et Cyarwa contre plusieurs Tutsis. Sosthène Munyemana détenait la clé du bureau du secteur de Tumba, où il emprisonnait des Tutsis et permettait leur exécution, un à un, selon son bon vouloir.
Un verdict attendu
Le parquet avait requis une peine de 30 ans de réclusion. Lors de l’audience finale, Sosthène Munyemana a exprimé ses regrets, évoquant notamment le massacre de membres de sa belle-famille. Les juges ont estimé qu’il s’était pleinement inscrit dans la politique génocidaire, non seulement en y adhérant, mais aussi en y participant activement, tant sur le plan intellectuel que matériel.
Incarcéré depuis sa condamnation en 2023, il était notamment accusé d’avoir signé une motion de soutien au gouvernement intérimaire mis en place après l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, événement déclencheur du génocide perpétré contre les Tutsi d’avril à juillet 1994. Cette motion avait contribué à légitimer les tueries.
Il lui est également reproché d’avoir instauré des barrières et des rondes à Tumba et Cyarwa, au cours desquelles des personnes ont été arrêtées puis exécutées. Proche de Jean Kambanda, Premier ministre du gouvernement intérimaire condamné à perpétuité par le TPIR, Sosthène Munyemana aurait distribué des armes à la population pour faciliter le génocide.
Réaction du gouvernement rwandais
Le gouvernement rwandais, par l’intermédiaire du Ministère de l’Unité nationale et de l’Engagement civique, représenté par le Dr Jean Damascène Bizimana, a salué le verdict. Selon l’hebdomadaire Imvaho Nshya, « Le gouvernement est satisfait de la condamnation du Dr Sosthène Munyemana à 24 ans d’emprisonnement… Cela rend justice aux familles victimes du génocide contre les Tutsis. »
Le Ministère de l’Unité nationale et de l’Engagement civique a par ailleurs recensé une vingtaine de médecins impliqués dans le génocide de 1994, dont la plupart résident actuellement en France. Parmi eux figurent le Dr Jean Chrysostome Ndindabahizi qui aurait tué sa propre épouse tutsi ; le Dr Séraphin Bararengana, frère du président Juvénal Habyarimana, le Dr Eugène Rwamucyo, condamné à 27 ans de réclusion pour complicité de génocide, complicité de crimes contre l’humanité et conspiration en vue de commettre ces crimes, le Dr Jean-Berchmans Nshimyumuremyi, ainsi que le Dr Bernard Mutwewingabo, accusé d’avoir participé aux tueries aux côtés de son épouse Marie-Thérèse Kampire, enseignante à l’Université nationale du Rwanda.
Au sein du Centre Hospitalier Universitaire de Butare, plusieurs infirmiers tristement célèbres ont également été identifiés : Remera Simeon et son épouse Gemma, Mukabandora Scolastique, Mukamunana Juliette, Musanganire Felesita, Mukamuzima Philomène alias Kinanda, et Uwimana Tereza.
Alphonse Safari Byuma







